Principes généraux et contexte
Depuis l’introduction des traitements antirétroviraux, l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH a considérablement augmenté, pour atteindre des niveaux similaires à ceux de la population générale, du moins dans des pays comme la Belgique où des traitements optimaux sont accessibles.
La qualité et la sécurité des traitements antirétroviraux se sont améliorées au cours de la dernière décennie par rapport aux traitements qui étaient disponibles dès l’année 1995. Des progrès considérables ont été accomplis pour atteindre l’objectif initial 90-90-90 de l’ONUSIDA ; la Belgique vise aujourd’hui à atteindre l’objectif 95-95-95. Ces avancées médicales ont également permis d’améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. Cependant, les personnes vivant avec le VIH continuent de rencontrer des difficultés pour parvenir à une bonne qualité de vie et pour la conserver, en particulier les personnes dont le diagnostic est récent et celles qui vieillissent avec le VIH.
Recevoir un diagnostic d’infection par le VIH reste difficile à plusieurs égards et s’accompagne généralement d’une période de crise personnelle. Par ailleurs les personnes vivant avec le VIH de longue durée sont souvent confrontés à différentes comorbidités. En conséquence, leur vieillissement en bonne santé implique de répondre à des besoins spécifiques. Pour cela, il est important d’attirer l’attention sur la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH et d’ ajouter un 4e objectif à ceux de ONUSIDA « au-delà de la charge virale », en indiquant que la suppression virale n’est pas l’unique finalité1.
À ce jour, aucune définition consensuelle de ce qui constitue la qualité de vie pour les personnes vivant avec le VIH n’a été donnée2 ; néanmoins, plusieurs études indiquent les principaux facteurs qui y sont associés3. Outre les facteurs cliniques comme la charge virale, les effets secondaires des médicaments, les interactions médicamenteuses et les comorbidités, d’autres facteurs physiques et mentaux, comme la qualité du sommeil, l’hygiène de vie, l’anxiété ou la dépression doivent être pris en compte. Enfin, l’accompagnement social, les expériences de stigmatisation et de discrimination, ainsi que les facteurs socioéconomiques et juridiques sont des aspects à prendre en compte pour assurer une bonne qualité de vie. Une enquête récente sur la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH en Flandre (N=505) a révélé que 26 % avaient déjà souffert de dépression, 43 % bénéficiaient de peu d’accompagnement social, 41 % citaient la stigmatisation comme principal obstacle les empêchant de bien vivre avec le VIH et 65 % avaient déjà subi une discrimination due au VIH4.
Le pilier « qualité de vie » propose et soutient des initiatives pour améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH, avec notamment une bonne hygiène de vie et une vie sexuelle sûre. Le lien avec d’autres piliers du Plan VIH et avec le Conseil Positif est évident : les personnes qui reçoivent un traitement optimal et qui sont maintenues en soins auront également plus de chances d’être en bonne santé. Un bon accompagnement psychologique permet de mieux faire face au VIH. Un traitement optimal réduit également le risque de transmission du VIH par les personnes vivant avec le VIH, ce qui permet d’améliorer leur vie sexuelle et de réduire la stigmatisation.
Les personnes vivant avec le VIH qui vivent dans des conditions de vulnérabilité, comme les migrants, les demandeurs d’asile, les personnes transgenres et les consommateurs de drogues injectables, ont à faire face à des multiples obstacles, ce qui les exposent à ne pas recevoir un traitement et une prise en charge optimale. Le pilier « qualité de vie » entend améliorer la situation des personnes dans le besoin, non seulement en prévoyant leur accompagnement individuel, mais aussi en promouvant des changements structurels et juridiques qui assureront l’égalité d’accès aux soins.
Une prise en charge et un accompagnement dans le cadre clinique - mais aussi à l’extérieur - sont indispensables à une bonne santé physique et mentale. Il est nécessaire de mener des efforts soutenus pour éviter et prévenir les problèmes de santé mentale et pour adopter une meilleure hygiène de vie, si l’on tient compte, par exemple, de la consommation élevée de tabac, d’alcool et de drogues par les personnes vivant avec le VIH. Il est donc crucial de coordonner l’accompagnement de façon optimale entre ces différents cadres. La formation et le renforcement des capacités des agents de santé communautaires contribuent à améliorer l’accompagnement qui est proposé aux personnes vivant avec le VIH et les aident à mieux faire face à leur situation. Un grand nombre d’initiatives peuvent être envisagées, comme des séances d’information thématiques, des week-ends d’entraide, l’élaboration de ressources éducatives pour les personnes vivant avec le VIH, ou des informations adaptées qui tiennent compte des besoins des migrants.
La stigmatisation et la discrimination restent d’importants obstacles à l’ amélioration de la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH. D’après l’enquête réalisée en Flandre, la stigmatisation était étroitement associée à une mauvaise image de soi, à des difficultés à faire face au VIH et à un piètre accompagnement social. Près de la moitié des répondants étaient sujets à une stigmatisation intériorisée (auto-stigmatisation) qui les empêchait, par exemple, de s’engager dans une relation. La discrimination était surtout citée avec les nouveaux partenaires (sexuels), mais un répondant sur trois avait également subi une discrimination dans le milieu médical. Un accompagnement est attendu des personnes qui côtoient les personnes vivant avec le VIH, comme les partenaires, les membres de la famille et les amis, mais aussi les prestataires de santé, les employeurs, les autres prestataires de services et les pairs. Combattre la stigmatisation dans la société en général, mais aussi dans le secteur médical, ainsi que l’auto-stigmatisation, est donc une priorité du pilier « qualité de vie ».
Enfin, il convient de lever les obstacles structurels et les mesures discriminatoires qui freinent la participation active à la société, comme les restrictions d’accès à l’assurance, au logement et à l’emploi. Comme pour d’autres maladies chroniques, des efforts doivent être faits pour faciliter la (ré)intégration optimale des personnes vivant avec le VIH dans la société, en particulier dans le milieu professionnel, en tenant compte des besoins et des capacités des personnes concernées.
Objectif
L’objectif du pilier « qualité de vie » est de garantir que toutes les personnes vivant avec le VIH puissent parvenir à une qualité de vie optimale, notamment en matière de santé mentale et d’accompagnement social, dans un environnement exempt de stigmatisation et de discrimination dans tous les aspects de la vie quotidienne.
Portée
Le pilier « qualité de vie » a pour but d’améliorer la qualité de vie globale des personnes vivant avec le VIH durant toute leur existence, en s’intéressant spécifiquement à la réduction de la stigmatisation et de la discrimination, à l’amélioration de l’accès aux services d’accompagnement et de soins, aux populations vulnérables, à l’hygiène de vie, à la santé sexuelle et au bien-être (mental). L’optique est de répondre pleinement aux besoins des personnes vivant avec le VIH et de leur assurer une bonne qualité de vie liée à la santé.
Compétences mobilisées
Les responsabilités et compétences mobilisées pour assurer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH relèvent essentiellement des autorités sanitaires régionales, étant donné qu’elles concernent la prévention et le bien-être.
La lutte contre la discrimination, entre autres sur le lieu de travail, à l’école et en matière de logement, exige la coopération du gouvernement fédéral et des autorités régionales pour assurer l’égalité des chances.
La lutte contre la discrimination dans le domaine des assurances exige la coopération de l’autorité fédérale de santé publique et de l’autorité fédérale chargée des affaires économiques, en particulier de la protection des consommateurs.
Le travail représente une garantie importante contre la pauvreté et favorise le bien-être social. La politique de retour sur le marché du travail et de réintégration socio-professionnelle est le résultat des efforts conjoints de l’autorité fédérale des affaires sociales et de l’autorité fédérale de l’emploi et du travail.
Priorités
À l’issue d’un processus participatif, les personnes vivant avec le VIH et les acteurs ont défini les actions et axes prioritaires suivants.
Axe prioritaire 1 : donner les moyens aux personnes vivant avec le VIH d’opter pour un mode de vie sain, de vivre une vie (sexuelle) saine et de faire valoir leurs droits
1.1 Améliorer les connaissances des personnes vivant avec le VIH en ce qui concerne le traitement à des fins de prévention (TasP), le principe I=I, la vaccination, la gestion du VIH et les comorbidités associées
1.2 Mettre à jour, élaborer et déployer des outils informatifs et éducatifs pour les personnes vivant avec le VIH s’intéressant particulièrement à l’hygiène de vie, notamment à l’impact de la consommation de drogues, à l’arrêt du tabac et à l’exercice physique
1.3 Élaborer et mettre en œuvre des initiatives ayant trait à la santé mentale et au bien-être affectif pour les personnes vivant avec le VIH, en s’intéressant particulièrement aux besoins de la population vieillissante
1.4 Élaborer et mettre en œuvre des initiatives pour aider les personnes vivant avec le VIH à faire face au VIH, à lutter contre l’(auto-)stigmatisation et la discrimination, et à développer leur résilience
1.5 Améliorer l’accompagnement social des personnes vivant avec le VIH en favorisant le contact avec des groupes de pairs et l’élargissement des relations sociales
1.6 Permettre aux personnes vivant avec le VIH, quel que soit leur statut administratif, d’entamer des poursuites judiciaires en cas de traitement discriminatoire
Axe prioritaire 2 : faire en sorte que les prestataires de santé, les agents de santé communautaires et les organisations de patients soient sensibles aux besoins des personnes vivant avec le VIH et y répondent
2.1 Renforcer les connaissances des prestataires de soins afin qu’ils fournissent des services appropriés répondant aux besoins d’accompagnement et de prise en charge des personnes vivant avec le VIH, en particulier des personnes les plus vulnérables
2.2 Définir, en collaboration avec toutes les acteurs, y compris les personnes vivant avec le VIH, un parcours de soins et d’accompagnement intégrés afin d’améliorer la santé physique et mentale des personnes vivant avec le VIH dans le cadre d’une approche globale
2.3 Consolider les capacités et le rôle des agents communautaires et des organisations de patients pour fournir aux personnes vivant avec le VIH des services d’éducation, de prévention, d’accompagnement et de défense des droits
2.4 Revoir et rationaliser les parcours de soins proposés par les prestataires de santé et les agents communautaires, en particulier vers les services d’accompagnement hors du cadre clinique, afin qu’ils reflètent les besoins et les choix des personnes vivant avec le VIH
2.5 Renforcer les connaissances des prestataires de santé exerçant dans des établissements non spécialisés dans le VIH afin qu’ils fournissent des services de soins généraux aux personnes vivant avec le VIH sans stigmatisation ni discrimination
2.6 Réduire les obstacles et améliorer la préparation des maisons de repos et d’autres services d’hébergement afin que ces établissements puissent répondre adéquatement aux besoins spécifiques des personnes vivant avec le VIH
Axe prioritaire 3 : s’assurer que toutes les personnes vivant avec le VIH parviennent à une qualité de vie optimale, exempte de stigmatisation et de discrimination
3.1 Promouvoir un environnement non discriminant pour les personnes vivant avec le VIH par des initiatives d’information et d’éducation qui normalisent le VIH et réduisent la stigmatisation sociale
3.2 Militer en faveur d’une législation et de politiques non discriminatoires à l’encontre des personnes vivant avec le VIH, en particulier dans les domaines de l’accès aux soins, de l’emploi, de l’assurance et du logement
3.3 Signaler et contester les lois et les politiques discriminatoires à l’encontre des personnes vivant avec le VIH
3.4 Élaborer et mettre en œuvre des initiatives qui réduisent la stigmatisation et la discrimination structurelles et qui diminuent leur impact sur les comportements favorables à la santé ainsi que sur l’état de santé des personnes
3.5 Élargir la portée de la loi du 4 avril 2019 de sorte que les personnes vivant avec le VIH bénéficient du « droit à l’oubli » dans le contexte de certains contrats d’assurance
3.6 Assurer un environnement favorable permettant de faciliter, comme pour d’autres patients atteints de maladies chroniques, la (ré)intégration des personnes vivant avec le VIH dans le milieu professionnel, à l’aide de programmes comme weeraandeslag.be / jeveuxreprendre.be
3.7 Continuer de combattre la criminalisation de la transmission du VIH en normalisant le VIH et en diffusant les preuves, de plus en plus nombreuses, du traitement à des fins de prévention (TasP) et du principe I=I
3.8 Évaluer la qualité de vie liée à la santé et le bien-être des personnes vivant avec le VIH à l’aide d’outils d’évaluation validés et durables mis en œuvre dans les CRV
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1 Lazarus, J., Safreed-Harmon, K., Barton, S., Costagliola, D., Dedes, N., del Amo Valero, J., Gatell, J., Baptista-Leite, R., Mendão, L., Porter, K., Vella, S. & Rockstroh, J. (2016). Beyond viral suppression of HIV – the new quality of life frontier. BMC Medicine, 14:94.
2 Cooper, V., Clatworthy, J., Harding, R., Whetham, J. & Emerge Consortium (2017). Measuring quality of life among people living with HIV: a systematic review of reviews. Health and Quality of Life Outcomes, 15:220.
3 Degroote, S., Vogelaers, D. & Vandijck, D. (2014). What determines health-related quality of life among people living with HIV: an updated review of the literature. Archives of Public Health 72:40.
4 Scheerder, G., Van den Eynde, S., Reyntiens, P., Koeck, R., Deblonde, J., Ddungu, D., Florence, E., Joosten, C., Van Wijngaerden, E. & Dewaele, A. (2019). Quality of life in people living with HIV: a regional survey in Flanders. Poster presented at the 17th European AIDS Conference (EACS), Basel.