Pilier 1 : Prévention

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Principes généraux et contexte

Une approche axée sur la prévention combinée impliquant plusieurs stratégies et interventions est essentielle pour assurer l’efficacité de la prévention du VIH. La riposte de la Belgique au VIH s’appuie sur les résultats obtenus et les enseignements tirés au cours des dernières décennies et est façonnée par les possibilités et les défis émergents.

À l’heure actuelle, la panoplie des outils de prévention du VIH est complétée par des outils biomédicaux tels que la prophylaxie post-exposition (PEP) pour les personnes qui ont pu être exposées au VIH, le traitement des personnes vivant avec le VIH pour prévenir la transmission sexuelle (TasP) et, récemment, la prophylaxie pré-exposition (PrEP) pour les personnes exposées à un risque accru d’infection à VIH.

Bien que très bénéfiques, l’adoption des outils biomédicaux de prévention du VIH peuvent aussi représenter des défis lorsqu’ils sont utilisés dans certains contextes et milieux communautaires. La prévention du VIH doit donc viser à intégrer au mieux ces outils biomédicaux dans l’offre de prévention déjà existante. Les modes de transmission communs du VIH et des IST constituent par ailleurs un autre élément à prendre en compte. De ce fait les populations clés se chevauchent partiellement, ce qui nécessite une approche de prévention intégrée du VIH et des IST.

Ce Plan National VIH prête donc une attention renouvelée à la prévention combinée, et en particulier aux mesures structurelles de prévention incorporées dans une approche générale en matière de santé sexuelle. Les efforts de prévention primaire doivent permettre aux personnes et aux communautés d’acquérir les connaissances et compétences adéquates pour contrôler leur santé sexuelle et avoir une sexualité épanouie et satisfaisante. L’accès aux moyens de prévention doit être adapté aux contextes et milieux communautaires spécifiques, et notamment à ceux des jeunes. Pour ce faire, il sera nécessaire d’éliminer les obstacles institutionnels ou structurels, tels que la stigmatisation associée au VIH, qui entravent l’accès aux moyens de prévention du VIH et des IST.

Les preuves scientifiques et fondées sur la pratique montrent que les différents sous-groupes d’une population ne sont pas touchés de la même manière par le VIH et les IST. Les priorités et actions énoncées dans ce plan en matière de prévention mettent donc l’accent sur les groupes davantage exposés à des risques et plus vulnérables. Ces groupes incluent les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes et les personnes issues de l’immigration, en particulier les migrants d’Afrique subsaharienne. Les personnes qui partagent plusieurs de ces caractéristiques, comme les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes appartenant à une minorité ethnique, peuvent être particulièrement vulnérables et atteintes par le VIH1.

Enfin, les stratégies existantes de prévention du VIH/des IST sont actuellement confrontées à la récente tendance à la baisse du recours au préservatif, les taux croissants d’IST autres que le VIH2 3, et l’usage sexualisé de drogues4. La prévention combinée visant à enrayer ces nouveaux phénomènes sera plus efficace si elle tient compte des facteurs contextuels qui façonnent les comportements individuels et si elle touche les populations exposées à un risque accru dans leur propre environnement social.

Dans la mesure du possible, les actions planifiées adopteront une approche participative. Cela permettra de les adapter de façon judicieuse aux besoins des personnes. Cette approche déterminera également leur succès.

Objectifs et axes prioritaires

L’objectif du pilier « prévention » est de réduire le risque de transmission du VIH et des autres IST dans la population générale et dans les populations clés en particulier, en combinant les stratégies et outils de prévention disponibles.

Portée

Le pilier « prévention » vise à couvrir la prévention primaire du VIH et des IST dans le contexte plus large de la promotion de la santé sexuelle. Il s’agit d’une combinaison des différents aspects de la prévention, à savoir l’information et la sensibilisation, le changement de comportement et les interventions préventives structurelles. Il s’appuie sur une riposte intersectorielle entre le secteur de la santé – notamment les agents de santé communautaires, les spécialistes du VIH, les médecins généralistes et les prestataires de soins de santé mentale – et les professionnels des secteurs de l’éducation, de l’aide sociale, de l’immigration et de la recherche. Bien que le dépistage du VIH et le traitement du VIH/des IST fassent clairement partie de la prévention combinée du VIH, ces aspects seront abordés dans les sections Pilier « Dépistage » et Pilier « Prise en charge ».

Compétences mobilisées

Les responsabilités et compétences mobilisées pour la prévention primaire relèvent des autorités sanitaires régionales. Les subventions sont principalement accordées à court et à long terme aux organisations communautaires, qui jouent un rôle prépondérant dans la mise en œuvre des activités de prévention primaire. En outre, les centres de planning familial situés en Région wallonne et dans la Région de Bruxelles-Capitale sont des acteurs clés du domaine de la prévention. Les municipalités locales peuvent également contribuer au financement des activités de prévention.

La fourniture des services de PrEP et de PEP est néanmoins organisée par l’autorité sanitaire fédérale et financée par l’INAMI.

Une véritable prévention combinée exige une approche multisectorielle incluant – outre le secteur de la santé publique – les services de l’aide sociale, de l’éducation et de l’immigration au niveau régional ou local.

Priorités

À l’issue d’un processus participatif, les acteurs de la prévention primaire ont défini les axes prioritaires et actions suivants.

Axe prioritaire 1 : améliorer les connaissances sur la santé sexuelle, et notamment sur la prévention combinée du VIH et des IST et les stratégies de réduction des risques

1.1 Éduquer et informer la population générale sur la santé sexuelle, et notamment sur la prévention combinée du VIH/des IST, à travers l’éducation à la santé sexuelle dans les établissements scolaires et par des campagnes médiatiques

1.2 Éduquer et informer les populations clés sur la santé sexuelle, et notamment sur la prévention combinée du VIH/des IST, à travers des initiatives ciblées et des campagnes médiatiques

1.3 Mettre à jour, élaborer et déployer des outils informatifs et éducatifs sur la prévention du VIH/des IST et la réduction des risques pour les populations clés, et notamment sur la réduction de la stigmatisation et de la discrimination associées au VIH

Axe prioritaire 2 : accroître l’accessibilité et le recours aux méthodes de prévention du VIH/des IST et de réduction des risques pour les populations clés

2.1 Assurer une large distribution de préservatifs masculins et féminins et de lubrifiants gratuits dans les milieux communautaires pour les populations clés, par exemple dans les commerces gay et les lieux où les migrants d’Afrique subsaharienne se réunissent, notamment les organisations communautaires, les bars et les églises

2.2 Favoriser la disponibilité, l’accessibilité et le recours à la PEP, à la PrEP et aux programmes de vaccination contre le VHA, le VHB et le papillomavirus humain

2.3 Proposer un protocole de soins et un accompagnement aux personnes qui ont des rapports sexuels sous influence chimique (chemsex)

2.4 Améliorer l’accès et le recours à des méthodes de prévention du VIH/des IST et de réduction des risques en réduisant les obstacles aux niveaux structurels, pour le prestataire et l’usager

2.5 Déterminer comment l’approche axée sur la population et la localisation pour la prévention du VIH/des IST, en particulier l’initiative « Les villes s’engagent » de l’ONUSIDA, peut être adoptée et déployée dans le contexte belge

Axe prioritaire 3 : développer et améliorer la délivrance de la PrEP

3.1 Analyser les pratiques actuelles liées à la délivrance de la PrEP et étudier des modèles de prestation de services innovants, et notamment des modèles de prestation par les médecins généralistes et par les pairs

3.2 Veiller à ce que la fourniture de la PrEP soit combinée à des conseils en matière de santé sexuelle, à une prévention des IST, à un accès à des préservatifs et des lubrifiants, à un dépistage régulier des IST et à un accompagnement pour les personnes ayant des rapports sexuels dans le contexte du chemsex

3.3 Améliorer les connaissances des populations clés sur la PrEP et combattre les idées fausses et les attitudes négatives

3.4 Améliorer l’accès et le recours à la PrEP par les populations clés en réduisant les obstacles aux niveaux structurels, pour le prestataire et l’usager

Axe prioritaire 4 : permettre aux prestataires de soins de santé et aux agents de santé communautaires de soutenir les populations clés dans l’utilisation des méthodes de prévention combinée et de réduction des risques concernant le VIH et les IST

4.1 Améliorer les connaissances relatives aux méthodes de prévention disponibles, notamment la PEP, la PrEP, le TasP et les points d’entrée de dépistage du VIH/des IST

4.2 Améliorer les connaissances relatives à la consommation problématique de drogues, et notamment aux rapports sexuels dans le contexte du chemsex, et y remédier dans une approche de santé globale et du bien-être mental

4.3 Améliorer les compétences communicationnelles et interculturelles pour aborder sans stigmatisation ni discrimination et de façon anticipée la santé sexuelle en général et la prévention du VIH/des IST

4.4 Accroître la collaboration intersectorielle entre les prestataires de soins de santé et les acteurs qui ne font pas partie du domaine de la santé (secteurs de l’éducation, de l’immigration, de l’aide sociale) pour améliorer les interventions de prévention combinée, et notamment la prévention institutionnelle

4.5 Intégrer la santé sexuelle et la prévention combinée du VIH et des IST dans le programme d’étude dans le domaine médical et psychosocial

Axe prioritaire 5 : réaliser une recherche (action) sur les principaux déterminants de la santé et le comportement des populations clés pour définir des interventions de prévention étayées par des données probantes

5.1 Développer des méthodes qualitatives, quantitatives et mixtes et réaliser une recherche-action participative sur les principaux déterminants de la santé et le comportement à risque et prudent des populations clés pour éclairer la prévention du VIH/des IST et la promotion de la santé sexuelle

5.2 Continuer à développer et à améliorer la surveillance (comportementale) pour suivre la prévention du VIH et la promotion de la santé sexuelle

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1 Bil JP, Zuure FR, Alvarez-del Arco D, Prins JM, Brinkman K, Leyten E, van Sighem A, Burns F, Prins M. Disparities in access to and use of HIV-related health services in the Netherlands by migrant status and sexual orientation: a cross-sectional study among people recently diagnosed with HIV infection. BMC infectious diseases. 2019 Dec 1;19(1):906.

2 Holt M, Lea T, Mao L, Kolstee J, Zablotska I, Duck T, Allan B, West M, Lee E, Hull P, Grulich A. Community-level changes in condom use and uptake of HIV pre-exposure prophylaxis by gay and bisexual men in Melbourne and Sydney, Australia: results of repeated behavioural surveillance in 2013–17. The lancet HIV. 2018 Aug 1;5(8):e448-56.

3 Vuylsteke B, Reyniers T, De Baetselier I, Nöstlinger C, Crucitti T, Buyze J, Kenyon C, Wouters K, Laga M. Daily and event-driven pre-exposure prophylaxis for men who have sex with men in Belgium: results of a prospective cohort measuring adherence, sexual behaviour and STI incidence. Journal of the International AIDS Society. 2019 Oct;22(10):e25407.

4 Rosińska M, Gios L, Nöstlinger C, Berghe WV, Marcus U, Schink S, Sherriff N, Jones AM, Folch C, Dias S, Velicko I. Prevalence of drug use during sex amongst MSM in Europe: results from a multi-site bio-behavioural survey. International Journal of Drug Policy. 2018 May 1;55:231-41